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LA MAISON

quoique je sache aujourd’hui qu’il est court. Les maisons étaient alors très espacées, et tous ces champs de cenelliers et d’orties paraissaient immenses et mystérieux, encore remplis des spectres de la nuit. Je les revois un peu comme je revois les champs de bataille vus en France, étendues semi-vertes, et semi-lunaires, terre bossuée où rouillaient des ferrailles.

Deux par deux descendaient les pachydermes que je n’imaginai réels, que lorsque, rue Saint-Louis, on les eut rangés, le dos au trottoir, devant la buanderie Crevier. On leur donnait à boire, en attendant que, sur leur terrain, leur quartier fût prêt. Il était difficile, nous étions derrière eux, de bien voir avec quoi ils buvaient. Je m’approchai, je m’approchai et fus distraite de ma première intention, en apercevant, si près de mes yeux, leur peau étrange et laide, ce tissu ardoise, fripé, rugueux, qui paraissait si rude que les dents me grinçaient…

À ce moment précis, mon éléphant recula ; je n’eus pas peur, mais on raconta longtemps que j’avais failli être renversée et écrasée. En réalité, la cousine sortant des décombres de son rêve d’amour brisé, nous enjoignait de revenir à la maison.

Cette journée devait être encore plus mémorable. Après le déjeuner, nous retournâmes