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AUX PHLOX
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trop calme, trop vide, nous voulions voir ensuite. Et puis, même au temps où le piano et les leçons de chant étaient à la mode, la vie comme celle d’aujourd’hui offrait un tissu bien mêlé de joies et de peines ; les épreuves existaient, les catastrophes aussi. Mais dans nos jeunes cœurs fervents et téméraires, un jour viendrait pour nous où tout serait comme aboli, où une seule lumière nous éclairerait et transformerait en douce ivresse, les pires heures !

Et nous chantions en attendant. Nous chantions :

Je voudrais pleurer par les soirs d’automne,
Pour mêler ma voix aux sanglots du vent…
Puisque la douleur n’épargne personne,
Et qu’il faut gémir et pleurer souvent…

La chanson s’achevait sur veuvage, automne, voix monotone… Dans notre imagination passaient des rafales furieuses qui emportaient toutes les feuilles de l’été, courbaient les arbres sous une pluie cinglante. Nous jouïons à trouver cela triste. Nous n’étions pas sincères. Rien ne nous enchantait plus que l’automne, les feuilles mortes et la pluie et le vent. Sous de petites capes à capuchons qui furent à la mode à partir de l’année 1910, nous courions même dans la boue, dans les rigoles et redevenions ce que nous étions encore, des enfants, quand un bel orage rompait la monotonie de l’été. Mais le soir,