Page:Le Normand - La Maison aux phlox, 1941.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[96]
LA MAISON

les envolées poétiques et vocales nous vieillissaient. Et nous chantions :

Ô Magali, ma bien-aimée,
ou — Étoile, ma sœur aimée,
Laissons monter dans l’air pur,
Notre flamme rallumée…

Ou allègrement, comme un conte :

Dans mon jeune temps, me disait grand-mère, tout était bien mieux qu’au temps d’aujourd’hui…

Mais marraine, du coin où elle tricotait, nous jetait un œil moqueur, et quoique grand’mère, ne s’endormait pas à la fin, comme le disait la chanson. Alors, nous entonnions avec vigueur :

Au pays bleu, au pays d’or, dont j’ai perdu le nom lointain, au pays bleu de mon matin…

Bleu. Or. Soleil. Mer. Lointain. Tout y était, et l’exotisme savoureux, irrésistible, nous obligeait à rêver tout haut, les yeux ouverts, brillants, illuminés.

Grand’mère murmurait et disait :

— Elles croient, les petites malheureuses qu’elles pourront faire tout cela, voir tout…

Mais elle était indulgente, jeune pour une aïeule. Elle ne nous rabrouait pas.

Et nous arrivions ensuite à cette bluette :

Trois petits garçons, trois petites filles,
Parmi les buissons et sous les charmilles…