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LA MONTAGNE D’HIVER

parfois, et qui renaissaient pour des vétilles ? D’où venaient les curieuses interprétations que Jean donnait à des paroles qui ne comportaient ni mystère, ni sous-entendu ? Quelle en était la cause ? Les contrastes de leurs natures qui, au moment de leur coup de foudre et de leur union, les avaient fortement rapprochés, jouaient-ils à présent contre eux ? Plus probablement, pensait-elle maintenant, tout cela découlait de la faute originelle, à laquelle notre monde déchristianisé cesse trop de penser ; cela, et toutes les misères humaines et les énervements sans fin de ce monde. Madeleine croyait aussi dur comme fer, que la femme avait été la plus coupable ; pas besoin de dogme pour la convaincre, la punition était évidemment plus pénible pour la sensibilité de la femme.

En tous cas, elle était bien décidée. Elle ne prendrait plus le risque de charger ses épaules du difficile bonheur d’un homme. Elle souffrirait de sa solitude, s’il le fallait, mais sa paix ne dépendrait dorénavant que de sa propre humeur.


En rentrant, Madeleine trouva la maison vide. Personne ne reviendrait avant l’heure du souper, lui dit la bonne Marie. Elle eut un serrement de cœur. Sa brève incursion dans le monde l’avait désorientée. Les réflexions qui l’avaient occupée pendant le retour, l’obsédaient de leur tristesse. Elle comprit que si elle demeurait seule avec ses idées, elle s’enfoncerait dans le noir. Un sourd mécontentement menaçait de grandir en elle. Rapidement, elle abandonna le livre qu’elle avait d’abord essayé de lire, elle monta mettre son costume de ski et elle sortit.

Il n’était que quatre heures. Elle partit à travers champs, voulant éviter les endroits fréquentés. L’important serait de faire de l’exercice pour se désintoxiquer.