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LA MONTAGNE D’HIVER

Elle longea lentement le pied des montagnes vers l’ouest, sans rien voir ; son malaise la tenait encore. Elle allait, plongée dans un demi-rêve mélancolique, absente du monde extérieur, le cœur angoissé, sans nouvelle cause, à vrai dire. Était-ce uniquement parce qu’elle avait dérogé pour la première fois à des habitudes qui dataient maintenant de quelques mois ?

Elle tourna le dos à La Solitaire. Elle ne désirait rencontrer personne, ne souhaitait que le silence. Les mouvements rythmés, l’air pur, le glissement si doux des skis, peu à peu produisirent leur effet. Le bien-être se substituait au malaise, ses pensées s’allégeaient. Elle accéléra sa course. Elle aspira plus profondément et ses yeux s’attachèrent d’abord à l’exactitude des empreintes que ses piolets imprimaient dans la blancheur de la neige intacte. Puis, elle se détourna pour admirer la parallèle que traçaient derrière elle ses skis. Du même coup d’œil, elle embrassa tout le village et fut saisie de sa beauté. Le soleil déjà caché par la montagne, éclairait encore le groupe coloré et brillant des maisons juchées sur leur colline au centre de la vallée.

Le cœur de Madeleine se gonfla cette fois de reconnaissance, à cause de la splendeur des choses. Elle murmura tout bas : « Que c’est beau ». Lorsqu’elle reprit sa marche, une joie subtile augmentait son entrain. Elle glissa plus vite à travers les champs ondulés.

Délices du ski, délices du ski ! Sans ce costume devant lequel m’arrêta à l’automne,… l’ange de ma douleur ! que serais-je devenue ? pensait maintenant Madeleine. Parce qu’un incident si minuscule avait suffi à l’orienter, elle recommençait à être confiante.

Elle regarda l’heure. Elle avait rejoint l’extrémité du village où le chemin de fer s’insinue entre deux sommets.