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LA MONTAGNE D’HIVER

image des écoles de la colonie d’antan. Marguerite Bourgeoys aurait pu en sortir avec quelques petites Indiennes. Madeleine s’immobilisa pour en rêver, et quand elle reprit sa marche, le clocher sauta dans un bout de ciel libre. Il cessa d’être un pauvre clocheton, il se dressa dans toute sa longueur, retrouvant ses arches ouvertes sur la soie lustrée du firmament. Madeleine s’attendit à voir aussi reparaître le dos lourd de l’église, mais une autre villa s’interposait, tendant son moelleux toit enneigé et le clocher s’y appuya.

La skieuse se trouvait maintenant tout à fait à l’ombre de la montagne. Elle n’apercevait plus le soleil. Mais il était là, derrière, et à travers les arbres plus espacés d’un sommet, il dardait comme un réflecteur à feu rouge, les maisons multicolores qui soudain brillaient davantage.

Puis, l’opale grisonna et l’illumination du village s’éteignit. Madeleine décida de se hâter et le clocher en fit autant. Il ne se posa plus nulle part. Elle eut à peine le temps de le voir bénir la maison de Louise. Brusquement, tout se ternit. La lance et la croix d’argent se confondirent avec les ombres.

Madeleine resta un moment encore à contempler ces ombres. Elle rentra contente, et elle embrassa Louise en disant gaiment :

— Je me suis ennuyée de vous !

Ses yeux luisaient dans son visage bronzé d’une beauté si régulière.