Page:Le Normand - La Montagne d'hiver, 1961.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
LA MONTAGNE D’HIVER

Elle pouvait rentrer. Son malaise était dissipé. N’était-il donc que physique ? Elle fredonnait en rebroussant chemin, se rendant compte de ce qui l’entourait et s’extasiant. Le ciel, curieusement, lumineusement nuageux, ressemblait à une opale au-dessus du village encore ensoleillé. Translucide, bleuté, nuancé de lisérés d’or, il s’appuyait à la belle couronne de monts. Sous ce dôme, sur la butte dressée au centre de la vallée, s’échelonnaient les pignons de couleurs vives, les cheminées à panaches de fumée, les toits ouatés d’une épaisse couche de neige. Quelques ormes, qui se hissaient apparemment plus hauts que les sommets, dessinaient le filigrane de leurs ramures sur l’horizon.

Cette ravissante vue du village, allait maintenant l’accompagner jusque chez elle. Et c’est alors qu’elle vit au-dessus des maisons, le clocher qui tranquillement se promenait. Soudain sa croix d’argent marchait sur les toits. Madeleine s’immobilisa. Le clocher se planta en plein centre du grand hôtel qui prit un air de couvent. Il demeura là pendant qu’une fois de plus Madeleine admirait le village encore illuminé, si paisible, si protégé, même sans son église dont on ne voyait plus le gros dos gris, le clocher l’ayant abandonnée pour se remettre à marcher…

Il suivait maintenant la jeune femme de haut et à distance. Si elle s’arrêtait un instant, il s’arrêtait aussi. Au signal des skis reprenant leur doux bruissement, le clocher repartait, se posant tour à tour sur les maisons qu’il dépassait. D’un chalet suisse, il faisait momentanément une chapelle de mission. Il se juchait sur la pointe d’un pignon rouge, marchait tout le long d’une couverture, enjambait un espace et s’accrochait à la cheminée d’une minuscule maison canadienne qui, par ce sortilège, devenait l’antique