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LA MONTAGNE D’HIVER

petits cornets secs et fragiles, qui avaient été des feuilles vertes et étaient demeurées tout l’hiver aux branches.

La faim s’apaisait parmi les rires et les gais propos. Le repas achevé, ils se remirent à glisser dans l’inconnu de la forêt de plus en plus profonde, choisissant au hasard parmi les multiples traces de skis. Ils descendirent, remontèrent, allèrent de gauche à droite, parlant de moins en moins, s’arrêtant souvent pour admirer un rocher plus bizarre, une tête sculptée par la nature dans le tronc d’un arbre, une épinette particulièrement haute et pointue.

Jusqu’à ce que, levant le front, François se fut exclamé :

— Une goutte de pluie sur mon nez. Il pleut, maman.

Ils remarquèrent alors que la forêt paraissait plus sombre, parce que le soleil était disparu. L’enfant insista :

— Il pleut, maman. Je t’assure qu’il pleut.

Il fallut se rendre à l’évidence. Heureusement, ils étaient revenus à peu près au point de départ. En cinq minutes, ils furent sur La Solitaire. Le remonte-pente était arrêté, la côte, déserte. Les skieurs s’étaient envolés et les couleurs du beau village se voilaient sous la pluie.

Trois grosses corneilles croassantes passèrent. L’hiver était fini.

Lorsqu’ils atteignirent la maison, Louise les attendait sous le porche.

— Que s’est-il passé ? se demanda Madeleine, elle semble troublée.

Pourtant Louise les accueillit apparemment gaie. Quand les autres regagnèrent leurs chambres, elle retint Madeleine et ne cacha plus son bouleversement :

— Maryse est morte ce matin.