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LA MONTAGNE D’HIVER

Du village montèrent les sons de l’angelus ; ils réentendirent le grincement du remonte-pente. François aperçut sur la neige neuve, des traces de pattes. Madeleine redevint son esclave. Il lui fallut se pencher pour les sentir. L’enfant soupçonnait le passage d’une mouffette.

Le sentier conduisait à une clairière entourée de rochers gris aux formes diverses : on pouvait imaginer ici l’entrée de mystérieuses cavernes, où des fées cachaient leurs secrets.

Cette clairière dépassée, ils atteignirent une sente où il fallait constamment se courber, pour passer sous les rameaux des résineux. Personne ne savait où les conduirait ce chemin. Ils gravirent une montée plus abrupte et aboutirent sur un plateau qui surplombait le flanc de la montagne. La vue embrassait toute la vallée. À leur gauche s’étalait le village soudain silencieux. Les remonte-pentes avaient cessé de grincer, l’angelus, fini de sonner. Un chien aboya au loin. L’heure du repas était arrivée. L’endroit était excellent pour un pique-nique. Ils ouvrirent les havresacs. De grosses roches chauffées par le soleil émergeaient de la neige et servirent de table où mettre les provisions.

— On est les plus heureux du monde ! cria tout à coup l’enfant.

Madeleine n’aurait pas osé le dire, mais elle aussi se sentait heureuse : heureuse, prête à affronter tout, comprenant la vie, et pour la première fois peut-être, en accord avec les exigences de ce bienfait. Dans la montagne, la joie était devenue un composé extrêmement simple. Le paysage, l’air magique, pur, parfumé de froid, le ciel, le soleil, l’insinuaient dans vos veines. Un peu de vent s’entendait comme une voix, et en réponse, bruissaient les