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LA MONTAGNE D’HIVER

mais souvent celle-ci l’avait entendu dire : « Maman et moi, nous devons remercier le Ciel d’avoir tant de fidèles amis ».

Dieu avait aimé Maryse et Il était venu aujourd’hui la délivrer de ce qu’elle redoutait le plus, l’approche de la vieillesse, et au moment où intimement terrifiée, elle cherchait par tous les moyens à fuir son destin de malade.

Maryse. Sa beauté. Ses robes superbes, si importantes pour elle. Ses costumes, ses chapeaux amoureusement choisis. Son impeccable élégance, son enthousiasme pour les réceptions, les sorties, et son monde qu’elle aimait tant. Son esprit vif, son humour, son rire qui éclatait, jaillissait comme un feu d’artifice, tout cela, depuis ce matin, à jamais évanoui, irrémédiablement détruit ? Une vie était coupée, comme une fleur arrachée à sa tige et dont les pétales fanés volent au vent, disparaissent, cessent d’exister. Toutes nos vies étaient à un moment ainsi tranchées. Nous ne possédons rien par nous-mêmes, ni souffle, ni pensée. Nous n’étions sûrs de rien. Et tous ces efforts que nous faisions, pour organiser à notre gré un avenir que nous ne vivrions peut-être pas. Nos rêves de fortune, de gloire, de joie. Pour Jean, c’était un accident qui avait déchiré d’un coup sec la trame des jours. Pour Maryse, le cœur avait manqué. Notre sensation d’attente perpétuelle nous poussait à dépenser nos heures à la hâte, à courir, à nous agiter, à désirer, à nous réjouir ou à pleurer. Mais constamment, la mort était là, au bout de tout. Ce qui avait été si important cesserait de l’être, tandis que nous avions négligé ce qui l’était davantage.

Si nous regardions en arrière, combien de nos ardeurs, de nos chagrins avaient été ressentis pour des choses que nous considérions maintenant comme vaines, ou pour des