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LA MONTAGNE D’HIVER

— C’est une aubaine. N’y manque pas. L’atmosphère a du charme et la cuisine est ordinairement bonne.

— Je sais. J’ai accepté même si je me suis réservée une porte de sortie, au cas où demain, je n’en aurais plus le goût. C’est bête, Louise, mais rien d’imprévu ne me tente encore. Je recule chaque fois ! Suis-je mûre pour le cloître ?

— Peut-être ! Mais en attendant, entrons vite. Marie a préparé un fricot qui embaume…

***

Madeleine ne connaissait le Chantecler que pour l’avoir vu une fois, à la fin d’un bel après-midi de septembre. Ce jour-là, l’hôtel dominait un cirque de montagnes flamboyantes. De leur écarlate mêlé de bronze et d’or, elles ceinturaient le minuscule lac tout bleu, tout rond. Les terrasses encore fleuries de zinnias et d’asters géants, s’étageaient jusqu’au bord de l’eau. Les pelouses demeuraient d’un vert frais. Une peinture exacte de tant de couleurs aurait semblé fausse, exagérée. Autour du lac, les érables, les hêtres, les frênes aux feuillages divers masquaient les villas au-dessus desquelles pointait le clocher de l’église, juchée tout en haut. Le soleil baissait, rosissant le paysage déjà si nuancé. Madeleine avait été transportée d’admiration. Cette campagne avait perdu sa rusticité, sa sauvagerie, elle s’était civilisée mais sans perdre son charme. Sur la plaque d’azur du lac dormait un tremplin couleur de sable. Longeant la rive, s’étendaient des courts de tennis où jouaient des jeunes gens. On entendait le cloc des balles frappant les raquettes. Le monde paraissait brillant et heureux, toutes les douleurs de la terre disparues, abolies, oubliées.

Avec l’hiver tout était différent mais d’une beauté aussi absolue. Madeleine put admirer à son gré le paysage bril-