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LA MONTAGNE D’HIVER

lant et glacé, ses amis l’ayant invitée à faire avec eux avant le repas, une promenade en traîneau.

Deux chevaux pommelés piaffaient à l’entrée de l’hôtel, pendant que son amie Jeanne et elle, se laissaient envelopper dans les énormes couvertures de peaux de bison, impénétrables au froid le plus rude.

— Ces « robes de carrioles », comme disaient nos ancêtres, expliquait le mari en s’installant à son tour.

L’attelage partit brusquement.

— N’ayez pas peur, dit-il, saisissant le sursaut de Madeleine. Ce n’est pas dangereux. Ils connaissent leur route.

— Vous faites bien de me rassurer. Même si la carriole me semble plus sûre que le boghey de l’été, j’ai toujours l’impression qu’un animal est moins docile qu’un moteur. Le boghey, en plus, je lui trouve les roues trop hautes. Il me fait vraiment peur.

— Voilà ce que c’est que d’être née dans l’ère motorisée. Éprouver de la crainte en voiture, à petit train, et ne pas redouter le quatre-vingt à l’heure de l’auto.

— Oui, et pourtant, moi, c’est l’auto que je devrais à présent redouter.

Il y eut un court silence, comme le 11 novembre, pour les morts de l’Armistice.

La carriole modérait son allure, escaladant l’avenue derrière le Chantecler. Entre les hauts conifères dont les pointes limitaient une allée de ciel bleu, les riches villas brillaient de toutes leurs vitres. Des volets de couleur vive ajoutaient à leur gaieté. Les toits étaient longs, recourbés, ressuscitant la ligne des vieilles maisons. Des panaches de fumée sortaient des larges cheminées et une odeur de résine embaumait l’air. Quelques éclaircies s’ouvraient sur la vallée, révélant soudain le dévalement abrupt et pittoresque de la montagne.