Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or, cette femme, au corps fier comme ces Vénus
Qui laissaient chastement chanter leurs contours nus,
Ne voile sa beauté d’une robe hypocrite
Que pour mieux attiser les désirs qu’elle irrite.
Elle aime à voir les yeux, suivant lascivement
Les replis serpentins de son ondulement,
Exprimer l’effroyable angoisse de Tantale ;
Et c’est pour défier les désirs, qu’elle étale
Avec tant d’insolence et tant de majesté
Le cynisme impudent de sa virginité.

Et son orgueil vous dit : — « Le désir qui m’appelle
Ne convaincra jamais ma volonté rebelle ;
Le feu de vos regards n’échauffe pas mon sang.
La volupté remplit mon sein vaste et puissant,
Mais vos pâles amours ne savent pas quel verbe
Fera jaillir les flots de ce fleuve superbe.
La fleur de ma beauté, nul ne peut la cueillir,
Et je me ris de voir les ailes du désir
Ainsi qu’un papillon timide qui voltige
Décrire de grands ronds à l’entour de sa tige !
Mais son calice froid, si vous vous y posez,
Engourdira vos sens et tûra vos baisers.
Je veux bien qu’on m’admire et permets qu’on m’adore,
Mais, de vous, je n’en sais aucun qui puisse encore
Concevoir cet orgueil de flétrir sous sa main
Les trésors souhaités, gardés par mon dédain.
Que vos yeux attirés, écartant ma parure.
De ma virginité soulèvent la ceinture,
J’y consens, mais sachez que les yeux des amours
N’en pourront pas du moins savourer les contours.
Car, s’y je m’y livrais, leurs suaves caresses
Éveilleraient mes sens à de telles ivresses,