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Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/124

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Que j’oublîrais peut-être, avec la volupté,
Le soin de mon orgueil et de ma dignité ;
Et le choix d’un amant suffirait à convaincre
Que, vaincue une fois, on peut toujours me vaincre.
Je veux que vos désirs restent dans l’idéal.
Car ma virginité me sert de piédestal,
Et, comme une déesse au milieu de son temple,
Je domine d’en haut, l’amour qui me contemple
Et d’un baiser tremblant souille mes pieds altiers.
Mais, si je descendais, vos regards familiers
Habitûraient bientôt leur caresse profane
A confondre la vierge avec la courtisane.
Or, je ne le veux point ; j’appartiens à celui
Dont l’immense splendeur rayonne sur autrui,
Et qui sait, dédaigneux d’un honneur illusoire,
Imposer hardiment sa fortune ou sa gloire.

Ah ! si j’eusse vécu du temps où les chemins
Voyaient, la lance au poing, passer les Paladins
Formidables, portant en croupe à leurs montures
L’esprit mystérieux des grandes aventures,
Et, fiers soldats du droit et de la liberté,
A larges coups de lame ébauchant l’équité,
Certe, alors, mon époux eût été le prudhomme
Le plus riche en courage et le moins économe,
Et celui dont le front magnanime eût porté
La gloire, avec le plus de grâce et de fierté.
Mais lorsque la puissance est toute la richesse,
Les efforts des vertus démontrent leur faiblesse
Et le droit souhaité de commander au sort
Échoit au plus offrant et non pas au plus fort.
Je prétends à ce droit ; mais, pour que je l’acquière,
Il faut m’envelopper dans cette allure altière