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Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/19

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Et bien plus, il te plaît, Déesse ! que la ronce
Te morde et que la dent ou la griffe s’enfonce
Dans tes bras glorieux que le fer a vengés.

Car ton cœur veut goûter cette douceur cruelle
De mêler, en tes jeux, une pourpre immortelle
Au sang horrible et noir des monstres égorgés !




LES SCALIGER


Dans Vérone, la belle et l’antique guerrière,
Il est de grands tombeaux, où, tout bardés de fer,
Muets, et les deux mains jointes pour la prière,
Sur leurs écus sculptés gisent les Scaliger.

Rigidement serrés dans leur robe de pierre,
Sur leur front fatigué par l’outrage de l’air
Et des siècles nombreux, sous leur morte paupière,
Ils gardent un reflet orgueilleux de l’Enfer.

C’étaient de durs seigneurs, ces vieux Can, fils de l’ombre,
De qui Pétrarque a dit cette parole sombre :
« Que dans Vérone entre eux se dévoraient les chiens. »

Et pourtant mieux vaudraient de tels tyrans, ô ville,
Que d’entendre en tous lieux sur ton pavé servile
Traîner insolemment des sabres autrichiens !