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LA NOCE DES SERPENTS




Un groupe de serpents, sur l’herbe printanière,
Se livre avec furie aux amoureux ébats ;
Quelques traînards, sifflant d’une horrible manière,
Accourent et, tordus d’un replis de lanière,
Sous la foule grouillante enfoncent leurs fronts plats.

Ce ne sont que zigzags dans une masse noire,
Étreintes, coups de fouet, brusques convulsions,
C’est un chaos d’anneaux, un fourmillant grimoire
Où le soleil de mai, du plus haut de sa gloire,
Tombe, jaillit et roule en ondulations.

On ne peut distinguer ni mâles ni femelles
Dan l’effrayant fouillis du combat nuptial.
Les dents à coups pressés attisent les querelles,
Les crocs crochus font rage, et les gueules cruelles
Assaisonnent de sang leur amour bestial.

Par instants, au milieu de ces fureurs lubriques,
Une tête, d’un jet, dresse la fixité,
La froide fixité de ses yeux magnétiques,
Écarte largement deux mâchoires obliques,
Et crache vers le ciel un chant de volupté.