Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/253

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Ils sont graves, ils ont le spleen ; on ne peut prendre
Plaisir à regarder, entouré de badauds,
Leur parade ; il devient monotone d’entendre
Les coups de bâton choir tristement sur leurs dos.

Pourtant il me souvient que, parmi ces paillasses,
Parmi ces capitans drapés dans un lambeau
Rehaussé de clinquant, au milieu des grimaces,
Parfois j’ai vu passer un masque étrange et beau.

Ce masque est souriant, mais de secrètes fièvres
L’ont sillonné de plis et couvert de pâleur,
Et dans le rire fier dont s’animent les lèvres
Couve discrètement l’immuable douleur ;

Car il lui plaît d’errer dans la cohue immonde
La raillerie au front, le deuil au cœur, armé
Du rire, masque pris pour traverser le monde
Comme on traverse un lieu suspect et mal famé.




ABANDON


Ce fut un soir d’hiver que ce vaste cadavre
De ville m’apparut ; je n’oublierai jamais
Ses mornes carrefours sans rumeurs, ses palais
Vides et délabrés dont l’aspect glace et navre.