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Page:Le Parnasse contemporain, I.djvu/86

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Ne comprenant plus rien au vil bourdonnement
De la terre ; abîmé dans son rêve indicible ;
Lui-même épouvanté de son secret terrible,
Il venait et partait silencieusement.

Parfois, il frissonnait, comme pris de la fièvre ;
Et comme pour parler, il étendait la main :
Mais le mot inconnu du dernier lendemain,
Un invisible doigt l’arrêtait sur sa lèvre.

Dans Béthanie, alors, partout, jeunes et vieux
Eurent peur de cet homme ; il passait seul et grave ;
Et le sang se figeait aux veines du plus brave,
Devant la vague horreur qui nageait dans ses yeux.

Ah ! Qui dira jamais ton étrange supplice,
Revenant du sépulcre où tous étaient restés !
Qui revivais encor ! traînant dans les cités
Ton linceul à tes flancs serré comme un cilice.

Pâle ressuscité qu’avaient mordu les vers,
Pouvais-tu te reprendre aux soucis de ce monde ?
O toi ! qui rapportais dans ta stupeur profonde,
La science interdite à l’avide univers !

La mort eut-elle à peine au jour rendu sa proie,
Dans l’ombre tu rentras, spectre mystérieux,
Passant calme à travers les peuples furieux,
Et ne connaissant plus leur douleur ni leur joie.

Dans ta seconde vie, insensible et muet,
Tu ne laissas chez eux qu’un souvenir sans trace.
As-tu subi deux fois l’étreinte qui terrasse,
Pour regagner l’azur qui vers toi refluait ?