Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/181

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Nos rames rejetaient de leur sourd battement
Comme un bruit qui s’afflige au sillon que l’eau creuse ;
Le fleuve, qui souffrait, sonnait plaintivement ;
Nos avirons semblaient meurtrir l’eau douloureuse.

Et le large silence épars autour de nous,
Dans le ciel assoupi, dans la plaine dormante,
Comme en un bercement mélancolique & doux,
Portait ce bruit souffrant de l’eau qui se lamente.

Elle reprit d’un ton plus aigre dans la voix :
« Qu’ai-je donc aujourd’hui ? je ne sais quoi m’oppresse ;
Quelque chose m’irrite & m’énerve à la fois ;
Quand je suis en canot, j’éprouve une tristesse.

J’étais mieux à Paris ; je veux partir ce soir.
Ramenez-moi, messieurs, au bal que je regrette ;
Au bruit des instruments, je veux encor me voir
Entrer dans une danse en robe violette.

J’emporterai d’ici des fleurs pour mes cheveux :
J’aime les fleurs dans mes cheveux, quand je m’habille.
Je ne mettrai qu’un peu de noir près de mes yeux :
L’air m’a fait le teint vif sans que je me maquille.

Les danseurs me diront, penchés en m’invitant :
Danseras-tu ce soir avec nous, belle fille ?
Et moi, n’écoutant pas, distraite & m’éventant,
J’accepterai parfois seulement un quadrille.