Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/297

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L’ombre s’étend profonde. En vain le cri sonore
Du coq, ardent guetteur de nuit, prédit le jour ;
Au brumeux orient aucun rayon encore :
Le monde est ténébreux comme un cœur sans amour.

Mais que font les clameurs du vent & la nuit sombre
Au rude défricheur du sol, au paysan ?
Le paysan sommeille, enveloppé par l’ombre,
Dans la sécurité dont il est l’artisan.

L’ombre lui dit : — Je mis la paix, la récompense
Des devoirs accomplis & de l’âpre labeur ;
L’oubli des maux passés, c’est moi qui le dispense.
Le grave paysan de l’ombre n’a point peur.

Voyez ! avant le jour le voilà qui s’éveille.
Il va vers le foyer ou sous la cendre, dort
Le reste d’un tison recouvert de la veille :
De la cendre, à son souffle, un jet de flamme sort.

La flamme éclate & brille, & l’âtre s’illumine ;
Et lui, prés du foyer crépitant & joyeux,
Recueilli, vers le monde inconnu qu’il devine
Il élève en priant son cœur religieux.

Il prie : en doux espoirs abonde sa prière.
— Si j’ai faibli, dit-il, mon Dieu, pardonne-moi.
Et Dieu se communique à son esprit sincère.
O paysan, mon cœur ému prie avec toi !