Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/330

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HÉRODIADE.

Oui, c’est pour moi, pour moi, que je fleuris, déserte !
Vous le savez, jardins d’améthyste, enfouis
Sans fin dans de savants abîmes éblouis,
Ors ignorés, gardant votre antique lumière
Sous le sombre sommeil d’une terre première,

Vous, pierres où mes yeux comme de purs bijoux
Empruntent leur clarté mélodieuse, & vous,
Métaux qui donnez à ma jeune chevelure
Une splendeur fatale en sa massive allure !
Quant à toi, femme née en des siècles malins
Pour la méchanceté des antres sibyllins,
Qui parles d’un mortel devant qui, des calices
De mes robes, arome aux farouches délices,
Sortirait le frisson blanc de ma nudité,
Prophétise que si le tiède azur d’été,
Pour lequel par instants la femme se dévoile,
Me voit dans ma pudeur grelottante d’étoile,
Je meurs !

Je meurs ! J’aime l’horreur d’être vierge & je veux
Vivre parmi l’effroi que me font mes cheveux,
Pour, le soir, retirée en ma couche, reptile
Inviolé, sentir en la chair inutile
Le froid scintillement de ta pâle clarté,
Toi qui te meurs, toi qui brûles de chasteté,
Nuit blanche de glaçons & de neige cruelle !

Et ta sœur solitaire, ô ma sœur éternelle,