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Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/77

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Et quand, montrant la droite, il eut dit : « C’est par là ! »
Elle prit un manteau de laine, & s’en alla.
Les sentiers étaient durs & si pointus de pierres
Qu’elle eut du sang aux pieds & des pleurs aux paupières.
Pourtant elle marcha tout le jour, &, le soir,
Elle marchait encor, sans entendre ni voir,
Lorsque soudain, de l’ombre, avec un cri farouche,
Quelqu’un bondit, lui mit une main sur la bouche,
D’un geste forcené lui vola son manteau
Et s’enfuit, lui laissant dans la gorge un couteau !

Le rêve, à ce moment, devint d’une horreur telle
Qu’il l’éveilla.

Qu’il l’éveilla. L’époux se tenait devant elle.
« Aux marchands de Ségor, lui dit-il, j’ai vendu
Cent brebis, & le tiers du prix m’est encor dû.
Mais la distance est grande & ma vieillesse est lasse.
Qui pourrais-je envoyer à Ségor en ma place ?
Rare est un messager fidèle & diligent.
Va, & réclame-leur trente sicles d’argent. »
La femme dit : « Le maître a parlé, je suis prête. »
Elle appela ses fils, mit ses mains sur la tête
Du fier aîné, baisa le front du plus petit,
Et, prenant son manteau de laine, elle partit.