Page:Le Parnasse contemporain, II.djvu/81

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Car les diables mogols aiment les grandes flammes.
Entre l’aïeul assis dans les cendres du toit
Et les petits enfants mi-nus qui n’ont plus froid
Malgré le temps prochain des rafales d’automne,
Le vaincu voit d’un œil où la douleur s’étonne
L’incendie allumé par des torches de pin
Lui vendanger sa vigne & lui cuire son pain.

Aux cavaliers de l’Est, mangeurs de viandes crues,
Qui vinrent comme roule un fleuve au temps des crues,
Éliache, le Domn des Dalmates, n’a pu
Résister, mur branlant, par d’anciens chocs rompu.
Maintenant le vieux chef tremble dans sa demeure,
Non pour lui (que peut-il craindre, pourvu qu’il meure ?)
Mais pour sa fille, enfant pareille aux fleurs de lin.
« Elle était le débile appui de mon déclin,
Et son trépas fidèle, hélas ! suivra ma perte ! »
Tel ce chêne tombé songe à sa branche verte.

Or un guerrier mogol, soudain, sans compagnon,
Paraît devant le Domn & dit : « Sais-tu mon nom ?
Je suis le Khan, seigneur de plus de têtes franches
Que ton champ n’eut d’épis & ta forêt de branches.
Fermes dans le vallon, maisons dans la cité,
Tes richesses étaient grandes, en vérité !
Mes guerriers ont pillé la maison & la ferme.
Tes sept fils étaient beaux, d’un cœur fort, d’un bras ferme ;
J’avais sept chiens : ce fut un corps pour chaque chien.
Mais, moi, qu’ai-je gagné dans la bataille ? rien.