Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/144

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Écoute, j’ai revu tantôt l’époux futur
Et j’ai promis encor, ici, sous le ciel pur,
De le suivre, fidèle, en sa chambre d’ivoire
Ou de dormir avec Karôn, dans la nef noire.
Oh ! prends pitié de moi, te souvenant du jour
Où ton cœur virginal fut parfumé d’amour.

KALLISTA.

Je ne me souviens plus des vanités du monde,
Mais le divin amour est comme une belle onde,
Où le cœur dans l’ivresse et le ravissement,
Épris de l’infini s’abîme infiniment.
Si le besoin d’aimer te brûle et te tourmente,
Plonge dans le torrent d’amour, heureuse amante !
Ce que j’ai fait est fait, et nul, selon la loi,
Ne peut s’interposer entre le Christ et moi.

DAPHNÉ.

Mère, c’en est donc fait, tu m’as prise en ton piége !

KALLISTA.

J’ai dit. S’il se pouvait qu’impie et sacrilége,
Ma fille violât l’inviolable vœu,
Qu’elle ne voulût pas payer ma dette à Dieu,
Épargne, ô Justicier, sa tête consacrée
Et fais tomber sur moi la vengeance assurée.
Seule je me dévoue aux ténébreux troupeaux
Des Démons qui dans l’air nous guettent sans repos ;
Que je perde ta grâce et qu’à ta sainte table
Je ne tende jamais ma bouche détestable ;
Qu’étrangère, sans part, aux œuvres des chrétiens,