Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/220

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D’autres avaient baisé votre manteau de neige,
Et le soir, sur vos lacs d’azur et de vermeil,
Aperçu dans l’éther le radieux cortége
De vos fronts empourprés aux adieux du soleil.

Ils avaient retrempé leurs pinceaux dans vos flammes
Et de nos vers éteints ravivé les couleurs ;
Pour les verser à flots sur les genoux des femmes,
Ils avaient à vos bois dérobé maintes fleurs.

Mais moi, sans m’attarder aux roses de vos cimes,
Sitôt qu’un large éclair m’entr’ouvrait votre sein,
Éperdu, je plongeais dans ces vivants abîmes :
C’est dans votre âme à vous que j’ai fait mon larcin.

J’ai pressé de mes doigts cette invisible artère
Par où s’épand la vie aux lieux les plus secrets ;
J’ai parlé, dans votre ombre, à l’esprit de la terre....
Elle m’a répondu par la voix des forêts.

Tout ce qu’elle disait avec vos lèvres saintes,
Tout rayon de vos yeux dans l’obscur infini,
Tout dissipait en moi les doutes et les craintes :
Je voyais l’homme heureux et l’univers béni.

De tous les grands espoirs vous m’avez fait largesse ;
Je vivais dans l’effroi, vous m’avez rassuré ;
J’avais soif de beauté, de bonté, de sagesse…
Le Dieu que je cherchais, vous me l’avez montré.