Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/336

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O mon poëte aimé, voilà ce qui les blesse,
C’est ce charme attirant que le ciel t’a donné,
C’est ton doux abandon qu’ils traitent de faiblesse,
C’est enfin le talent, la race et la jeunesse
Unissant leurs attraits sur ton front couronné.

Lorsque je lis tes vers, sympathique génie,
Ces vers sortis si purs du fond de ta douleur,
Ces vers où la beauté, la force et l’harmonie
Naissent heure par heure, aux dépens de ta vie,
Et coulent jour par jour des sources de ton cœur :

Aussitôt, malgré moi, je songe avec tristesse
Au fils de Diomède, à cet enfant divin,
Qui jouait au soleil dans les champs de la Grèce,
Et qu’Apollon, trompé, dans un moment d’ivresse
Frappa sans le vouloir de son disque d’airain.

Renversé, le mourant tomba sur la verdure
Il garda son sourire en perdant sa couleur,
Un voile doux et triste envahit sa figure,
Et sur le sol foulé qu’imbibait sa blessure
Chaque goutte de sang faisait naître une fleur.

Ainsi tu m’apparais dans l’ombre funéraire
Avec ta tête blonde et ton geste éploré.
Qu’importe sur ton marbre une tache vulgaire !
C’est dit, — te voilà grand, quoi que l’on puisse faire,
Et ce tertre où tu dors est à jamais sacré.