Page:Le Parnasse contemporain, III.djvu/62

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Et quinze fois mûrir l’alize couleur d’ambre
Et quinze fois aussi naître les louveteaux.
En détail, il connaît les replis du « triage » :
Coupes, taillis, futaie, éclaircie et semis ;
Et ces troncs familiers qu’il effleure au passage
Et ces rochers moussus lui semblent des amis.

Que d’un soleil ardent les flèches embrasées
Dessèchent les rameaux se tordant sous leurs chocs ;
Que la neige ait courbé les cimes écrasées ;
Que, sous la gelée âpre, éclatent les gros rocs ;
Qu’aux rayons de midi bourdonnent les demeures
Ou qu’à minuit ricane au loin l’esprit du mal,
Par toutes les saisons et par toutes les heures,
On rencontre sous bois l’homme avec l’animal.

Avant l’aube, aujourd’hui commençant leur tournée,
Ils ont de la forêt fouillé les profondeurs ;
L’ombre gagne… voici la fin de la journée…
Le vent du soir s’élève en murmures grondeurs.
« Halte ! » ordonna le garde en saluant le chêne ;
« Halte ! » comprit le chien qui s’arrêta soumis ;
Et, tous deux étendus sur la mousse prochaine,
Dans un calme repos ils semblent endormis !

Ils ne sommeillent pas : en un fécond silence
L’esprit de l’homme agit, médite, se souvient…
Et sous un masque lourd de trompeuse indolence,
L’animal vigilant sur ses gardes se tient.