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Page:Le Passe-temps et le parterre réunis, année 27n n° 29, 16 juillet 1899 (extrait).djvu/2

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CORA LAPARCERIE



Sans embarras, sans fausse modestie, des auteurs célèbres tels que Catulle Mendès, Jules Lemaître, Émile Bergerat et des seigneurs de moindre importance aussi, ont fait eux-mêmes la critique de leurs pièces.

Certains lecteurs crient à la réclame, d’autres jugent la chose intéressante et originale. Pourquoi donc un auteur, devenu spectateur ne dirait-il pas tout simplement, sans blâme, ni louanges exagérés, ce que lui suggère l’évocation précise des êtres un peu mystérieux et inachevés qui ont passé dans son cerveau.

Car c’est avec étonnement, presque avec effarement qu’on voit cette transfusion de son âme dans l’âme des comédiens et qui expriment vos souffrances et vos joies, qui font sonner vos rires muets et qui pleurent les larmes que vous n’avez pas versées.

J’ai eu cet étonnement et cet effarement en faisant répéter mon drame « Le droit de tuer » qu’on a joué dernièrement aux Mathurins.

Cela se passait chez Mlle Laparcerie, dans une très vieille maison d’un très vieux quartier, sur la rive gauche. Un vaste salon tranquille à peine meublé, mais merveilleusement fleuri. Partout des fleurs : sur la cheminée, sur la table, sur le piano, par terre, des fleurs sveltes qui s’élancent très haut, des lis, des iris, des pavots, non pas des fleurs mignardes ni des fleurs capiteuses, mais des fleurs gravés et chastes, telles que les peintres en choisissent pour entourer, dans un livre, quelque noble poème. Jamais fleur n’ont eu expression si personnelle. En les voyant, j’ai compris Mlle Laparcerie. Elles m’ont été plus significatives que sa voix, que tout en elle.

Je ne l’avais regardée que de loin, sur la scène. Une nature de celles qui empoignent — selon l’expression si juste — le public tout entier, dilettante qui veulent de l’art et gros public qui veut de l’émotion.

Elle m’avait conquis. Je désirais la connaître. Je la comprenais comme artiste, je ne la soupçonnais pas comme femme.

Je vais chez elle avec mon manuscrit. La mère m’introduit. Une belle méridionale, de démarche noble, tête régulière et pâle.