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Page:Le Petit - L’Art d’aimer les livres et de les connaître, 1884.djvu/37

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et de les connaitre.

avaient employé en vain pour le soulager toutes les ressources de leur affection. Il en était arrivé à ne plus voir personne, et s’enfermait en donnant l’ordre d’éconduire qui que ce fût. Moi-même, un compagnon de jeunesse et de joie, comme aussi un compagnon fidèle de souffrance et de malheur, je n’avais plus que très difficilement accès auprès de lui. J’avais fini par lui envoyer un jour, sous enveloppe, avec une lettre des plus affectueuses, cette seule strophe d’un poète qui a bien su, hélas ! ce que c’était que la souffrance.

Oh non ! je n’irai pas, sous son toit solitaire,
Troubler ce juste en pleurs, par le bruit de mes pas
Car il est, voyez-vous, de grands deuils sur la terre.
Devant qui l’amitié doit prier et se taire.
Oh ! non, je nuirai pas !

Ces vers que le pauvre Hégésippe Moreau avait dû écrire dans une circonstance analogue à celle où je me trouvais, me semblaient si bien appropriés à la situation, qu’ils m’avaient vivement frappé.

Le lendemain je reçus une réponse de mon malheureux ami (c’était la première fois qu’il répondait depuis son chagrin). Après m’avoir remercié, il me suppliait de lui dire de suite d’où venaient les beaux vers que je lui avais adressés, et il exprimait le désir de lire la pièce tout entière. Je m’empressai