Page:Le Petit - L’Art d’aimer les livres et de les connaître, 1884.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
l’art d’aimer les livres

non seulement de lui copier en entier la Fauvette du Calvaire, mais encore je lui portai le recueil entier du poète, le Myosotis, et j’y joignis à tout hasard les Méditations de Lamartine. Cette fois, mon ami m’accueillit avec la même tristesse rêveuse et froide, mais avec moins de sauvagerie. Il me pria même de lui lire la pièce d’où j’avais tiré la strophe que je lui avais envoyée. Pendant que je lisais, avec une bien grande émotion, je l’avoue, des larmes, d’abord furtives et ensuite plus libres et plus abondantes, s’échappaient de ses yeux. Bientôt sa douleur éclata, et aux dernières strophes il s’élança dans mes bras, en poussant des gémissements à fendre le cœur. Il était sauvé, mais pas encore guéri ; il pouvait pleurer, c’était déjà beaucoup.

Au bout de quelques jours il m’écrivit une lettre touchante, dans laquelle il me remerciait avec effusion de lui avoir donné des volumes, qui, disait-il, lui avaient fait un bien infini, avaient relevé son âme prête à se laisser décourager, et avaient apporté un grand soulagement à son chagrin. Il me priait de lui choisir quelques autres livres et de venir les lui porter moi-même, parce qu’il avait le désir de causer longuement avec moi.

J’y courus le jour même, accompagné de plusieurs volumes, des poésies de Lamartine, de Victor Hugo, d’Alfred de Musset, des Paroles d’un Croyant,