Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
le pont-neuf.
- Faisons icy renfort de pointes,
Ce chemin nous meine au Pont-neuf[1] ;
D’un regale de nerf de Bœuf[2],
Saluons ces voûtes mal jointes.
Vrayement Pont-neuf, il fait beau voir
Que vous ne vous daigniez mouvoir,
Quand les estrangers vous font feste :
Sçavez-vous bien, nid de filoux[3],
Qu’il passe de plus grosses bestes
Par-dessus vous, que par dessous ?
- Pourquoy nous faites-vous la morgue
Avecque vostre nouveauté,
Pont en cent endroits rapiesté,
Et meur comme un vieil souflet d’orgue[4] ?
Vous qui faites compassion
À la moindre inondation,
D’où vous vient cette humeur altière ?
Est-ce à cause que vous avez
Cent esgouts dans vostre rivière,
Et plus d’estrons que de pavez[5] ?
- Mordienne ! il faut que je vous bourre :
Autant vaut bien que mal battu.
Pont tout crasseux, Pont tout tortu,
Regaignez un peu la bravoure[6] :
- ↑ Commencé en 1578, sur les plans d’Androuet du Cerceau et terminé seulement en 1604 sous la direction de Guillaume Marchand (P. L.).
- ↑ Var. Tabl. Rich.-Maz., 1693 : D’un bon régal de nerf de bœuf.
- ↑ Le Pont-Neuf était le rendez-vous des filous pendant le jour et des tireurs de laine pendant la nuit. On appelait proverbialement les coupeurs de bourse, avant-coureurs du Pont-Neuf et officiers du Pont-Neuf (P. L.).
- ↑ Var. de 1672 : Menu comme un vieux soufflet d’orgue. — Tabl. Rich.-Maz., 1693 : Pont en cent endroits rajusté | Tout ainsi qu’un vieux soufflet d’orgue. — Ce passage, dit Paul Lacroix, nous apprend que le Pont-Neuf avait déjà subi de nombreuses réparations et que ses voûtes mal jointes ne semblaient pas annoncer qu’il dût résister si longtemps aux inondations.
- ↑ Var. de 1672 : Cent ruisseaux dans vostre rivière | Et plus de trous que de pavez ?
- ↑ Var. de 1672 : Pont tout boueux, pont tout tortu | Rengaignez un peu la bravoure… — Le Pont-Neuf quand on le regarde venant des Tuileries, partagé par la pointe de l’île du Palais, paraît tout de travers (de Bl.).