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Page:Le Petit - Les Œuvres libertines, éd. Lachèvre, 1918.djvu/203

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la croix du tiroir.

  1. Cette Croix me met bien en peine,
    Que fait-elle dedans ce lieu ?
    Seroit-ce une Croix de par Dieu[1],
    Ou bien une Croix de Lorraine ?
    Nenny, c’est la Croix du Tiroir[2],
    La seule noble antique à voir.
    Dedans ce village moderne.
    Qu’elle est grande ! On la voit de loin,
    Mais sa disgrâce me lanterne :
    Pourquoy l’a-t’on mise en ce coin ?




  2. Muse, c’est ce qu’il me faut dire ;
    Autrement je crie aux voisins,
    Et nous ne serons pas cousins
    À la fin de cette Satyre :
    Brûle comme Magiciens
    Plustost tes livres et les miens…
    Ah ! ma mémoire s’est refaite ;
    Sçavez-vous pourquoy c’est, Badauts[3] ?
    C’est qu’icy la Reyne Gilette
    Fut tirée à quatre chevaux[4].


  1. Qui est au commencement des livres alphabétiques des enfans (de Bl.).
  2. Cette croix avait donné son nom au carrefour de la rue de l’Arbre-Sec. Elle est appelée dans les anciens titres : Traihouer, Traihoir, Trihouer, Tyroer, Tiroye, etc. La meilleure étymologie parait être celle de trahere, qui peut se rapporter également à un marché et à un lieu de supplice, mais la plupart des historiens, contemporains de la reine Brunehaut, font mourir cette malheureuse reine en Bourgogne et non à Paris, attachée à la queue d’un cheval fougueux… (P. L). — Dans le blason, on distingue les Croix, selon la figure dont elles sont. Celle du Tiroir, qui est de pierre de taille, engagée dans la muraille d’un des coins de ce carrefour, est de la figure dont on représente ordinairement celle de N.-S. J.-C. (de Bl.).
  3. Var. de 1672 : Sçavez-vous bien pourquoy, badauts ? — C’est le saubriquet des Parisiens (de Bl.).
  4. Brunehaut ou Brunehilde, femme de Sigebert Ier et mère de Childebert II, rois d’Austrasie. Elle fut régente pendant la minorité de son fils, et ensuite pendant celle de ses fils, et causa bien des maux dans le royaume d’Austrasie, lequel ayant été réuni à la Couronne de France sous le règne de Clotaire II, celui-ci l’accusa d’avoir fait mourir dix princes du sang. Elle fut condamnée d’être tuée à quatre chevaux dans cette place, appelée pour cela, du Tiroir, ce qui fut exécuté vers l’an 614 (de Bl.).