Page:Le Play, L’Organisation De La Famille, 1884.djvu/277

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jugements relatifs aux successions réglées par le partage forcé, avec ou sans intervention de donations ou de testaments, se sont élevés au chiffre de 21,317.

Avec les dispositions du Code, tester c’est presque à coup sûr léguer un procès à ses enfants. Mieux vaut donc, pour le père de famille, s’abstenir et s’en remettre du soin de sa succession aux hommes de loi, qui, après sa mort, envahiront le foyer, ce sanctuaire ; toucheront sans discrétion à ses secrets les plus intimes, aux souvenirs les plus touchants ; expertiseront, instrumenteront et feront un partage, légal sans doute, mais, pour ainsi, dire aveugle et passif.

Il est peu de personnes qui n’aient eu la douleur de faire à ce sujet des observations personnelles et d’éprouver une sorte de révolte contre cette intrusion de la loi, qui, sous prétexte de protéger la famille contre le chef qu’elle pleure, en profane la sainteté[1].

  1. « Encore aujourd’hui, s’il m’est permis d’invoquer un souvenir personnel (disait avec une émotion communicative M. le comte Benoist d’Azy à la Société d’économie sociale, dans la séance du 25 février 1866), je ne puis me rappeler sans une affliction profonde que j’ai vu mettre en vente le lit de mon père et la bible de mon enfance et que, pour les soustraire aux mains des étrangers, il m’a fallu les racheter au milieu d’une foule d’acheteurs indifférents ou avides, qui riaient de mon émotion. Ne craignons pas, Messieurs, de déclarer bien haut que c’est là une législation barbare, ruineuse pour la propriété, sans respect pour la famille qu’elle tend a diviser et à séparer. » (Bulletin de la Société d’économie sociale, t. 1, p. 436.)