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LE SALON DE 1857.

L’une est La Curée dans les forêts du grand Jura. Sauf un certain piqueur à grandes bottes jaunes, il n’y a rien là que de simple et d’habilement fait. Autour du chevreuil admirable de pelage, et dont une grande finesse de pinceau a bien rendu les membres mous, grêles et sans vie, trois ou quatre chiens, solides et bien découplés, se pressent et frémissent. La Biche forcée à la neige est une bonne toile, vraie sans être trop réaliste. Les bords de la Loire, un peu trop verts peut-être, sont un charmant paysage plein de profondeur et de fralcheur. Le portrait de M. Gueyrnard est un portrait franc, vigoureux et bien peint ; mais, en vérité, je me demande quel démon poussait M. Courbet quand il imagina ses Demoiselles des bords de la Seine. Une jeune personne fort coquettement attifée, gants paille, robe à volants, chapeau à fleurs, se vautre à plat ventre sous un noyer, et décoche des œillades aux passants. Derrière elle, une de ses amies en fait autant. Où M. Courbet a-t-il vu pareilles robes, pareils gants, pareils chapeaux et pareilles demoiselles ainsi étendues à terre ? Sur quels bords de la Seine ? Sous quels noyers ? Il est fâcheux de voir un homme de valeur perdre son temps à soutenir une pareille gageure.

M. Hédouin n’est pas réaliste, ce qui ne l’empèche pas d’avoir du talent. Ses Glaneuses à Chambeaudouin sont une excellente toile. Un orage tombe tout au fond, là-bas, et bat les blés de ses flots pressés ; une armée de nuages roule et s’avance au ciel pour remplacer les nuages vides ; de tous côtés, aux derniers plans, on entrevoit les moissonneurs qui se hâtent, qui soulèvent les gerbes, qui chargent les charrettes, qui fouettent les chevaux à grands cris. Cependant, sur le premier plan, une dizaine de jeunes villageoises se pressent vers le village. Les gerbes qui couvrent leurs têtes, les râteaux qui pèsent sur leurs épaules n’arrêtent point l’élan de leurs corps vigoureux ; elles courent, elles courent à perdre haleine. Le vent fouette leurs robes, les colle à leurs cuisses, à leurs genoux, les rejette en arrière et les fait claquer derrière elles ; elles, sans s’inquiéter autrement de la pluie et du vent, courent et babillent. Deux ou trois enfants sont mêlés à elles. M. Hédouin a bien traité toute cette donnée un peu vulgaire ; les bras tendus, pour soutenir les gerbes sur les têtes, le sont naturellement et gracieusement ; les têtes plient, sans être affaissées, les corps sont bien lancés, et la variété des attitudes intéresse dans l’unité de la composition. Malgré l’orage, malgré le vent, on sent circuler dans tout ce tableau un air de santé et de bonne humeur ; vienne un rayon de soleil, ces blés seront séchés, ces jeunes filles de retour, et l’alouette sortira du sillon avec ses chansons.

M. Hédouin a exposé quatre autres tableaux : la Chasse, la Pêche, l’Agriculture, l’Horticulture. Tous ont des qualités, sans être de même talent cependant. Par exemple, je n’aime pas beaucoup la Chasse. Je ne connais point d’abord d’endroit, si ce n’est la plaine Saint-Denis, où on voie réunie une pareille troupe de chasseurs ; il y en a toute une armée, ici, là, près de cette haie, sous cet arbre,