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LE PRÉSENT.

Ils restèrent quelque temps silencieux. Marguerite émue d’un pareil dévouement tendit la main à Pierre. Il la baisa avec transport.

— Vous l’aimez toujours ? dit-il timidement.

Marguerite ne répondit pas. Pierre comprit.

— C’est bien, je ne vous en parlerai plus. Laissez-moi seulement venir ainsi le soir vous dire que votre père va mieux, c’est tout ce que je vous demande.

— Mon pauvre Pierre ! vous vous exposez trop ainsi, si vous étiez rencontré !

— Je ne le serai pas. J’ai trop de bonheur, dit-il en souriant amèrement.

— Eh bien, soit ! soyez prudent et venez, quand vous pourrez, m’apporter des nouvelles de mon père.

— Demain, si vous voulez. À la même heure.

— Demain, à la même heure, au même endroit, je vous attendrai.

Le lendemain dans la matinée, le jardinier de madame de Lautages, chargé du soin de son parc, entrait au château, et déclarait que, malgré sa vigilance, un homme, un voleur sans doute, s’introduisait furtivement la nuit dans ses domaines, dégradait le mur en passant par-dessus, et, sans pitié pour ses plates-bandes si bien disposées pour le printemps, anéantissait tout l’espoir de sa récolte. Il concluait en demandant des instructions.

La marquise était sérieusement effrayée de l’amour de Georges pour Marguerite. Elle s’était bien vite aperçue, à mille signes certains pour une femme, que ce n’était point un caprice, mais une passion profonde, et elle était déterminée à y couper court à tout prix. Un secret instinct l’avertit que, dans ces révélations, quelque chose pouvait servir ses projets. Elle réfléchit longtemps, puis se leva de l’air de quelqu’un qui vient de pénétrer un mystère.

— Ne dites rien de tout ceci à personne, Jérôme, et ce soir prenez un fusil et veillez.

(La suite au prochain numéro.)
Alexandre MONIN