Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LE SALON DE 1857.
V
MM. Meissonier, Chavet, Fichel, Plassan, Pécrus, Fortion, Guillemin, Compte-Calix, Glaize, Gigoux, Horace Vernet.

Salut à S. M. le roi du royaume de Lilliput, M. Meissonier ! Aucun peintre n’a été dans ces derniers temps plus loué, plus prôné, plus admiré. Il a remplacé M. Horace Vernet dans les admirations du bon public bourgeois : « Monsieur, voudriez-vousm’indiquer où sont les toiles de M. Meissonier ? — Merci, monsieur. — Oh ! sont-ils petits ! sont-ils gentils ! les jolis petits bonshommes ! » Vous entendez vingt fois par jour ces demandes et ces exclamations dans les salles de l’Exposition des beaux-arts et devant les microscopiques merveilles du célèbre peintre. Et le bon public, qui n’est point tant sot, quoi qu’en disent les rapins refusés, ne pouvait mieux placer ses sympathies. Il y a, en effet, dans ces cadres grands comme ça, un talent à défrayer dix tableaux vastes comme les Noces de Cana. Du pinceau de M. Meissonier s’est échappé tout un petit monde d’artistes, de peintres, de grands seigneurs, de bravi et de bourgeois qui boivent, qui fument comme vous et moi, et si bien pris dans leur taille d’oiseau-mouche, si naturels, si vrais avec leurs figures, qu’une guêpe couvrirait tout entière, si fins, si distingués, si bien mis, si braves dans leurs gilets mordorés et leurs pourpoints à fleurs, que c’est une bénédiction ! Les petits hommes en général sont empesés et gourmés ; gour ne point perdre un pouce de leur taille, ils redressent la tête perpendiculairement aux étoiles, ils se hissent sur leurs talons, ils se raidissent, ils tendent leurs nerfs, leurs muscles ; toute leur personne est comme une jarretière élastique qu’un écolier a distendue, pour s’amuser, de toute la force de ses dix doigts. Les Lilliputiens de M. Meissonier n’ont point ce vilain défaut d’affectation etderaideur. Qu’ils soient assis, qu’ils se tiennent debout, qu’ils lisent, qu’ils peignent, qu’ils regardent par la fenêtre, ils font tout cela comme des gens de grandeur naturelle, bon-