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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/148

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LE PRÉSENT.

qui s’allongeaient en guerre étrangère. Il était nécessaire de prendre un peu de repos pour raccomoder son pourpoint à loisir, mettre l’ordre au ménage de ses finances et cicatriser les plaies saignantes dont la France entière était couverte. Henri IV signa le traité de Vervins et donna l’édit de Nantes. Par le premier, il fermait la France à l’Espagne en lui ôtant des mains ce qu’elle en gardait encore ; par le second, il proclamait la charte, de la liberté de conscience. Il ne restait plus qu’à en finir avec le duc de Savoie, et il pouvait se mettre de concert avec Sully au travail intérieur. C’est la seconde période de ce règne si rempli. La bonne volonté ne lui manquait pas, mais peut-être eût-on pu douter de son aptitude. Jusque là, en effet, il avait vécu sous le harnais et borné le cercle de ses pensées à la victoire ou à la défaite. Il prouva vite la flexibilité et la largeur de son génie.

Les finances sont soumises pour la première fois à une comptabilité régulière ; l’assiette des impôts est changée par l’augentation de l’impôt direct, la diminution de l’impôt personnel et l’administration en est si économe et si sévère, qu’à la fin de son règne, cent vingt-quatre millions, environ trois cent soixante-douze millions d’aujourd’hui, emplissaient ses coffres. L’agriculture est encouragée. Les industries de luxe et de première nécessité sont également favorisées. Des mûriers sont plantés dans tous les châteaux royaux ; les vers à soie répandus dans l’Île-de-France, l’Orléanais, la Touraine, le Lyonnais. Des manufactures de verre, de cristal, de tapisseries de haute lice, de tapis du Levant, de dentelles, de toiles fines de Hollande, de cuir doré et drapé sont établies. Le commerce intérieur voit établir par lui des routes et des ponts, creuser des canaux. Henri se fait ingénieur ; il est le véritable auteur du canal de Briare, achevé sous son fils. Le commerce extérieur est protégé par des traités avec la Turquie, l’Espagne, l’Angleterre, la Ligne Hanséatique. De nouvelles colonies lui sont ouvertes en Amérique par Champlain. Rien n’échappe à la vive sollicitude de Henri, ni l’ordre public auquel il veille par ses édits sur les duels, ni l’instruction pour laquelle il prépare la réforme de l’Université, fonde l’Académie de chirurgie, transporte à Paris et rend publique la Bibliothèque royale. Il serait d’un détail infini d’énumérer les mesures innombrables prises par lui pour tous ces intérêts vitaux d’une société bien organisée. L’armée surtout et la défense de nos frontières furent l’objet de ses soins particuliers ; c est qu’il n’entendait pas faire du traité de Vervins le testament de sa vie guerrière et son dernier mot de politique extérieure. Il voulait prendre sa revanche de tous les troubles suscités et nourris par Philippe II. Philippe II avait succédé à ce dernier l’année même de la paix. La puissance de la maison d’Autriche, quoique chancetante, était toujours debout. Après lui avoir arraché son royaume, Henri prétendait l’abaisser de façon définitive et la mettre à jamais hors d’état d’entreprendre sur l’indépendance des divers États de l’Europe. La diplomatie prépara les voies à ses armes avec une merveilleuse habileté. Alors fut fondée cette grande école de diplomates