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HISTOIRE DU RÈGNE DE HENRI IV.

et d’hommes d’État qui, par Richelieu et le père Joseph, par Mazarin, Brienne, Lionne et d’Avaux, acheva ce qu’avait tenté la prévoyance du chef de la maison de Bourbon. Mais au prix de quelles guerres, de quels torrents de sang ! Que de maux, s’il eut vécu, Henri épargnait à l’Europe. Jamais, en effet, projets aussi vastes n’avaient été combinés avec tant de soins, mûris avec tant de prudence, entourés par la sagesse humaine d’autant de chances de réussite.

Les anciens Gaulois, dit-on, marchant à l’ennemi, se liaient les uns aux autres par des chaînes de fer, décidés à vaincre de front ou à périr ensemble. Ainsi, dans la trame immense ourdie par son génie, Henri liait l’Europe conspirée contre la maison d’Autriche par le souvenir des maux passés, par la crainte de ses desseins persistants d’envahissement universel, par l’appât des bénéfices présents, par l’implacable rancune des haines religieuses.

Contre la branche allemande il unissait les royaumes du Nord, la Suède et le Danemark, la Hollande, dont il entretenait la révolte d’hommes, de munitions et d’argent, dix princes germains craignant pour leur foi et leur indépendance, et les protestants de Hongrie, de Bohême, de Moravie, de Lusace ; on lui enlevaitla couronne impériale, promise au duc de Bavière qui, par là, se trouvait attiré quoique catholique dans le camp de la réforme ; on rendait à la Hongrie, à la Bohême et aux Etats héréditaires le droit de se choisir un maître, et il n’était personne parmi les princes confédérés dont l’ambition ne se flattât par là de l’espoir d’une couronne.

Contre la branche espagnole il coalisait le duc de Savoie, Venise, le duc de Toscane, le pape, la Suisse, l’Angleterre, et le désespoir des Moresques traqués comme des bêtes fauves par le fanatisme de Philippe III. L’œuvre d’un siècle s’écroulait sous cette formidable alliance. À la Hollande on donnait une partie des Pays-Bas espagnols ; le reste était partagé entre l’Angleterre et la France ; la Suisse s’agrandissait de la Franche-Comté et de l’Alsace ; le duc de Savoie avait le Milanais, Venise la Sicile, le grand-duc de Toscane les présides, le pape le royaume de Naples. L’Espagne était refoulée au delà des Pyrénées, et ne gardait que les îles qui l’avoisinent de ses possessions d’outre-mer. Dans ce plan longuement élaboré il n’y avait, comme on voit, rien de chimérique, rien qui sentit le roman ou l’utopie ; tout était net, précis, réglé d’avance. Une occasion se présenta de mettre à exécution, ce vaste dessein. La succession de Juliers avait ému les ambitions rivales de l’électeur de Saxe, de l’électeur de Brandebourg et de l’électeur palatin de Neubourg. L’empereur avait pris parti pour l’électeur de Saxe, Henri pour ses ennemis ; la grande guerre allait commencer.

L’œuvre de la diplomatie était finie, l’épée allait faire la sienne. Plus de cent mille soldats étaient prêts ou allaient l’ètre, deux cents canons étaient attelés, cent cinquante-quatre millions dormaient dans les caves de la Bastille ; Henri touchait enfin au moment tant désiré. Il allait soustraire à l’avenir et accumuler