Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
147
L’ANNÉE DES COSAQUES.

vu Mlle Marguerite sortir du château et un jeune homme aller à sa rencontre tout au travers de ses graines ; mais comme il avait bien vu tout de suite que ce n’était point un voleur, ici il sourit d’un air fin, il n’avait pas cru devoir lui làcher son coup de fusil.

Il s’arrêta, tout glorieux de l’attention que chacun prêtait à son récit.

— Qu’avez-vous à répondre, mademoiselle ? dit la marquise. Jérôme dit-il vrai ?

— Oui, madame, répondit Marguerite, en cachant sa tête dans ses mains.

— Vous comprenez, mademoiselle, que je ne puis garder chez moi uhe jeune fille qui donne des rendez-vous la nuit. Vous allez quitter le château à l’instant même.

Marguerite ne voyait plus, n’entendait plus. Être ainsi outragée, d’un pareil outrage devant Georges ! Elle regarda la marquise en suppliant.

— Allez, répéta-t-elle d’un ton sévère.

Marguerite fit quelques pas en chancelant, puis s’appuya sur un fauteuil ; elle pâlissait, elle rougissait, elle allait tomber ; Georges s’élança et la retint dans ses bras.

— C’est infâme, s’écria-t-il ; c’est une atroce calomnie. Marguerite, reviens à toi ; c’est Georges, c’est ton amant, ton époux qui t’en prie. Dis que c’est faux, dis-le-moi et je te croirai.

Le jeune homme éperdu, oubliant ce qu’il avait vu, oubliant devant qui il se trouvait, couvrait d’ardents baisers les joues de Marguerite. Clotilde, anéantie sur une chaise, assistait à la ruine de tout son bonheur. Marguerite ferma les yeux et cacha son front dans le sein de Georges.

— Monsieur, dit la marquise à Georges avec autorité, sortez d’ici, si vous voulez, avec cette fille, mais que ce scandale cesse.

Le jeune homme n’écoutait pas.

— Marguerite, réponds-moi, je t’en prie. Est-ce que tout ce que l’on dit de toi est vrai ? Non, n’est-ce pas ?

— Non, dit la jeune fille.

— Tu n’a pas hier donné de rendez-vous à un jeune homme, la nuit ?

— Non, dit-elle d’une voix plus faible.

— Vous l’entendez, fit Georges, elle dit non.

— Mademoisellenie après avoir avoué, dit la marquise avec le plus grand sangfroid. C’est bien, je vous crois, mademoiselle ; mais à vos dénégations vous comprenez qu’il faut une preuve. Cette preuve, je l’aurai. Soyez tranquille. Votre innocence éclatera au grand jour. Retirez-vous dans votre chambre. Georges, donnez-moi le bras, nous allons faire un tour dans le parc.

Toute la journée, la marquise, sous un prétexte ou sous un autre, retint Georges auprès d’elle. En rentrant pour dîner, elle dit quelques mots à Ostrowki ; c’était