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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/193

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CHRONIQUE.

C’est donc un plaisir bien doux que la médisance ! Il fait bon déchirer les voiles qui enveloppent la vie privée, glaner de droite et de gauche les mots cruels, noter les gestes imprudents, ramasser les lettres perdues, le mouchoir tombé, le sonnet d’amour égaré, inscrire sur son calepin tout ce qui peut nuire à la gloire d’un homme ou à la réputation d’une femme ! Il faut savoir le mot du dernier duel, l’adresse du dernier amant, lier ces scandales comme un bouquet d’orties, et fouetter jusqu’au sang l’attention du public avide !

Les hommes peuvent encore échapper à ces attaques perfides en jouant leur vie ! croiser l’épée contre la plume, effacer une goutte d’encre sous une goutte de sang, imposer silence à qui veut trahir leur secret. Mais vous, jeunes femmes, qui avez le tort d’être belles, grandes dames, actrices ou lorettes, comme il vous suit des yeux, le chroniqueur affamé ! Comme on sait séduire la bonne, comme on grise le valet de chambre ! et la couturière, comme elle dit tout de fil en aiguille ! Vous n’avouez que vingt-cinq ans, et n’en avez que vingt-huit ; demain vous en "aurez trente ! Votre crinoline n’a que deux mètres, en voilà cinq dans l’alinéa ! Un soupçon de rouge devient une grosse certitude. À peine vous avez eu deux amants ; ah ! cette fois, que de points noirs dans la pomme. C’est un beau jour la pêche à quinze sous, et voilà une jolie femme perdue par le plaisir d’un journaliste et pour la plus grande joie du lecteur.

Mode singulière ! triste manie ! Écouter à toutes les portes, faner toutes les fleurs, froisser toutes les couronnes, éclairer d’un faux jour, comme un judas de