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LE PRÉSENT.

d’artiste, vivait avec 900 francs par an, et jamais créancier ne frappa à sa porte. Vers les sept heures du matin, il travaillait, travaillait ! jusqu’à ce que la toile lui manquât ! et puis il n’avait pas d’argent pour acheter des couleurs ! Comment faisiez-vous ? lui demandai-je avec inquiétude. Eh bien ! croyez-le si vous le voulez, les tableaux même qui revenaient de l’Exposition, ces produits d’un travail austère, d’une imagination ardente, ces enfants qu’on caresse avec amour, il les aveuglait d’un coup de pinceau : une, deux ! Tous disparaissaient, paysage, scène de genre ou portrait, et l’aurore. Je retrouvait assis devant son chevalet, traçant de nouvelles lignes et jetant de nouvelles couleurs sur la trame en fil qui hier peut-être était un chef-d’œuvre. À d’autres il manque la force, l’initiative, le talent ; à lui il manquait de la toile !

— Et des pinceaux ? lui dis-je en riant.

— Je les usai de même : le jour de leur dernier poil, je volai la queue du chien d’Alcibiade.

Max.
Étienne MELLIER, Directeur.
Paris. — Impr. Walder, rue Bonaparte, 44.