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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/307

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CRITIQUE.

LA NORMANDIE INCONNUE
PAR M. FRANÇOIS-VICTOR HUGO.

On s’occupe beaucoup de nos jours des histoires partielies de chaque province. On a laissé de côté, pour quelque temps, l’ambition des histoires générales et des vastes considérations. On se cantonne dans un sujet bien circonscrit, bien limité, et là on fouille à perte d’haleine comme un mineur dans sa mine. Les études locales surtout se multiplient. Le patriotisme de clocher, chose si naturelle et si touchante, aidant à la chose, chaque commune, chaque hameau, chaque coin de terre a son historien et son histoire.

M. F. V. Hugo s’est senti pris d’une filiale affection pour la terre qui l’a accueilli lui et les siens dans son exil ; il a multiplié les recherches sur cette patrie nouvelle qui l’avait adopté, et c’est le fruit de ses recherches qu’il publie aujourd’hui. Par un de ces hasards douloureux, qui sont l’amertume la plus grande peut-être d’une vie’déracinée et livrée au souffle de tous les vents, au moment où il donnait à l’impression cette œuvre de reconnaissance pour Jersey l’hospitalière, Jersey l’hospitalière refusait de prolonger son hospitalité ! Il ne lui en a pas moins payé le prix de son accueil temporaire. — En elle-même, l’histoire de Jersey n’est pas fort intéressante. Sous les Romains, elle n’a aucune espèce d’importance ; aux premiers siècles du christianisme, elle est encore fort ignorée et fort obscure. Elle ne commence à s’éclaircir qu’avec l’invasion des Normands. Alors la féodalité la couvrit comme le reste de l’Europe, y implanta ses tourelles, sa savante organisation de suzerains et de vassaux, de redevances mutuelles’en protection ou en argent. M. F. V. Hugo s’est étendu sur cette période de l’histoire Jersiaise, il a compté fort au long les seigneuries diverses avec leur étendue et leurs richesses ; mais il a apporté peu de documents nouveaux pour la connaissance générale du système féodal. Il n’y a rien de particulier à l’île de Jersey dans ce qu’il a raconté, par conséquent rien de bien intéressant. Ce qui l’est davantage, c’est la lutte des malheureux baillis, sorte de magistrats municipaux, contre les gouverneurs envoyés par l’Angleterre. Une de ces luttes, entre autres, est dramatique et amusante. Philippe de Carteret, bailli de Jersey, avait blessé l’orgueil du gouverneur