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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/308

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LE PRÉSENT.

Hugh Vanghan. Hugh imagina d’écrire une lettre signée du nom de Carteret et adressée au roi de France, lui promettant de lui livrer Jersey par trahison. Carteret fut emprisonné et son procès fut instruit. Sa femme favorisa son évasion ; il se rendit à Londres, gagna les bonnes grâces du roi par son adresse à tirer de l’arc, et poursuivit le gouverneur devant la chambre Etoilée. Il faut lire, dans M. F. V. Hugo, tous les détails de ce curieux épisode, qui est un des morceaux les plus réussis du livre Le recit, l’anecdote, les considérations sont adroitement combinés dans cette œuvre du jeune écrivain ; il sait orner de l’éclat du style les plus obscures dissertations d’étymologie ou de discussion historique. Je n’aurais qu’un reproche à lui faire, c’est la rigidité de ses affirmations tranchantes, absolues dans les plus contestables matières. J’en vais donner un exemple où l’on saisira de suite la vanité de ce procédé auquel on a trop souvent recours aujourd’hui. M. F. V. Hugo commence par établir qu’il y a quatre formes de gouvernement : théocratie, monarchie, aristocratie, démocratie. Jusqu’ici, il n’y a rien à dire. La théocratie a dominé l’Inde et l’Égypte ; la monarchie, la Perse et la Macédoine ; l’aristocratie à Sparte ; la démocratie à Athènes. En thèse très-générale, ceci est vrai ; cependant, affirmer absolument que la théocratie régna sans partage en Égypte, serait une erreur. La caste guerrière y fut puissante, et le trône des Pharaons était solide. La monarchie et l’aristocratie pourraient donc revendiquer à assez juste titre l’Égypte, que d’un trait de plume M. F. V. Hugo donne tout entière à la théocratie. — Passons au moyen-âge et aux temps modernes. La théocratie, dit le jeune auteur, régna sans partage en Europe, de l’invasion des Barbares à Philippe le Bel. Philippe le Bel, en faisant souffleter Boniface VIII par le gant de fer de Colonna, tua cette puissance ; l’aristocratie s’y substitua. L’aristocratie domina de cette époque à la bataille de Morat. Charles le Téméraire en était le dernier champion ; il en fut le dernier représentant. Enfin, la monarchie eut son tour de la bataille de Morat au 10 août. Avec le 10 août la démocratie commence son règne, qu’elle croit poursuivre dans l’avenir. Prêtres, noblesse, rois, peuple, voilà le cercle que doit parcourir toute civilisation.

On voit du premier coup-d’œil tout l’arbitraire d’une pareille construction. Établir absolument que la théocratie gouverna l’Europe de Théodose à Philippe le Bel, c’est méconnaitre les faits historiques les plus évidents. Je ne veux pas nier la puissance de Grégoire VII, de ses prédécesseurs ou de ses successeurs ; mais, de bonne foi, cette puissance était-elle tellement absorbante que rien n’existât à côté d’elle ? Charlemagne ne fut-il pas, pendant tout son règne, le protecteur d’une papauté faible et attaquée dans Rome même ? Ses successeurs ne continuèrent-ils pas longtemps ce rôle, et la lutte de l’Allemagne contre l’Italie ne vint-elle pas de ce que les Césars germains, en héritant de la couronne de Charlemagne, héritaient de ses prétentions de protection sur le pape ? — Il n’est pas plus vrai de nier à ce moment l’influence de l’aristocratie.