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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/313

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L’ANNÉE DES COSAQUES.
SECONDE PARTIE. — PARIS.
XIII. — VOYAGEUR ET VOYAGEUSE.

Plusieurs jours s’écoulèrent pourtant sans que cette sentence, exécutoire dans les vingt-quatre heures, reçût son effet. Georges attendait vainement. Toutes les fois que la porte s’ouvrait, il comptait voir apparaître le piquet chargé de le conduire au lieu de son supplice, mais ce n’était jamais que son geôlier qui, la figure souriante, venait lui apporter son déjeuner ou son dîner, ou bien le capitaine commandant l’Abbaye qui venait prendre de ses nouvelles et se retirait avec un profond salut. Cette solitude pesait à Georges. Quoi qu’il fît, quelque éternel adieu qu’il eût dit à la vie et à l’avenir, pendant les longues heures où son corps enfermé dans un espace de six pieds carrés laissait à l’âme toute son activité, il ne pouvait s’empêcher de jeter un triste regard sur ses jours déjà écoulés et de revenir sur les péripéties de son existence si courte.

Quand, suspendu aux barreaux de sa fenêtre, il voyait le soleil descendre à l’horizon dans les brumes enflammées du soir, et qu’il entendait les mille voix de la grande ville monter à son oreille, il sentait avec la nuit descendre en lui mille pensées amères.

Le malheur avait mûri son esprit ; ces superstitions qui flottaient sur son intelligence comme le brouillard du matin sur la campagne, elles s’étaient envolées ; ces illusions d’enfance, elles avaient fui ; cette source d’enthousiasme, elle s’était tarie ; il jetait maintenant sur toute