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L’ANNÉE DES COSAQUES.

Le czar était logé à l’hôtel du prince de Talleyrand, rue Saint-Florentin. Les antichambres et les salons étaient pleins de généraux et de diplomates qui tous attendaient la faveur d’être introduits auprès du maître. Madame de Lautages fut introduite immédiatement.

— Sire, dit Georges en baisant la main de l’empereur, que de reconnaissance ne vous dois-je point ?

— C’est bien, mon ami, c’est bien, dit l’empereur. Que comptez-vous faire maintenant ?

— Sire, reprendre mon service près de votre personne, si vous y consentez.

— J’y consens, mais vous savez que c’est moins à moi que vous devez la vie qu’à madame de Lautages et à sa fille, dont le dévouement m’a arraché votre grâce. Arraché, c’est le mot, car vous savez que je n’aime pas les duellistes, fit l’empereur, en menaçant du doigt le jeune homme. Or, écoutez ceci. Je vous donne un congé d’un mois. Je veux, vous entendez, je veux que d’ici là vous soyez l’époux de mademoiselle de Lautages.

— Sire, dirent en même temps, madame de Lautages et Georges. L’empereur continua sans paraître entendre cette interruption.

— Ceci est tout à fait dans votre intérêt, dans l’intérêt de votre cœur et de votre repos. Vous avez la tête romanesque, vous êtes jeune, il vous faut le mariage pour vous sauver de vous-même. Mademoiselle de Lautages est charmante, bien élevée, riche, et c’est la fille d’une personne que j’estime et que j’aime.

La marquise s’inclina.

— Vous l’épouserez, prince. C’est une union qui convient à votre rang et à votre nom ; ma volonté est qu’elle ait lieu. Madame la marquise, promettez-moi, je vous prie, de m’avertir quand le jour du mariage sera fixé. Je vous promets, moi, d’aller prier avec vous pour le bonheur de ces deux enfants.

La marquise remercia l’empereur ; Georges balbutia quelques vagues paroles qui voulaient être aussi un remercîment, et sortit tout troublé de cette audience. Il avait cru la veille sentir renaître son ancien amour, aujourd’hui que la volonté impériale le lui imposait, il en était froissé ; mais il ne pouvait songer à la résistance.

Sous prétexte d’aller à la campagne reposer le prince de ses dernières émotions, en réalité pour constater sa victoire présente sur le