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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/329

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L’ANNÉE DES COSAQUES.

et s’élevaient au-dessus de l’assemblée comme une clameur de détresse, appel irrésistible à la clémence du Tout-Puissant. Quelle âme escortée de ces invisibles prières ne s’est élevée au ciel et s’est vu refuser le pardon de ses fautes ?

Le prêtre continuait :

— Sancta Mater Dei.

— Ora pro nobis.

— Virgo intemerata.

— Ora pro nobis.

— Virgo inviolata.

— Ora pro nobis.

Les larmes obscurcissaient les yeux de Georges. Elle lui tournait le dos, elle allait mourir : pourquoi ne pas la voir une dernière fois ? Chancelant, il fendit la foule. Le jeune homme au bras en écharpe l’aperçut ; son œil se sécha et flamboya ; il s’écria :

— Sire ! justice ! justice ! L’homme, par qui meurt ma pauvre sœur, vient la voir mourir… Infamie !

Le prêtre s’arrêta. Baptiste s’était avancé au-devant de Georges et le menaçait ; Georges le regardait fixement et était comme égaré.

— Qu’avez-vous dit ? s’écria-t-il enfin. Votre sœur ?… Qui ?…

— Ma sœur, oui, ma sœur que tu as perdue, et qui meurt à cause de toi.

Georges se précipita, écarta Baptiste avec une force surhumaine, et tomba à genoux au pied du lit.

— C’était son frère !… Oh ! pardon ! pardon !

— Tu viens me chercher, mon Georges ? dit Marguerite. Je suis à toi, j’y vais. Tu m’aimeras encore, n’est-ce pas, là-haut ?

— Oh ! voyez-vous, je l’accusais, je le croyais son amant, et c’était son frère. Marguerite ! Marguerite ! me reconnais-tu ? Je suis ton Georges, et je t’aime toujours.

— Je le savais bien, moi, que tu reviendrais et que tu m’aimais toujours. L’entendez-vous, mon père ? Dis-le encore, Georges, que mon père t’entende.

À ces paroles prononcées avec une enfantine naïveté, tout le monde sanglotait.

— Pourquoi donc pleurez : vous tous ? Je suis bien heureuse. Il m’aime toujours ; il me l’a dit. Donne-moi ta main, mon Georges.