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LE PRÉSENT.

Georges prit la main de Marguerite. Un grand silence se fit, interrompu seulement par des gémissements. Ô puissance de l’amour ! ô charme infini de la passion ! vous remplissiez cette pauvre cabane, vous parliez à l’empereur et au paysan, vous consoliez cette mourante ; vous ne consoliez pas ce jeune cœur qui battait à ses pieds, plein de force et de vie. Le vieux prêtre, aux paroles duquel un Dieu s’était posé sur les lèvres décolorées de l’agonisante, pleurait et sentait s’échapper de son âme brisée la miséricorde et le pardon pour ces amours si chastes et si pures. Dieu ! la passion ! la mort ! tout ce qu’il y a de grand dans les cieux et sur la terre se trouvait réuni là, dans cette chaumière enfumée, avec tout l’infini des douleurs humaines.

L’empereur et le père pleuraient l’un près de l’autre.

Marguerite reprit la parole la première dans le silence universel. Ses idées s’étaient éclaircies, un grand effort s’était fait dans sa tête, la raison lui revenait avec le triste sentiment de la réalité.

— Ô mon Dieu ! il est là près de moi, et je suis mal, oh ! bien mal. Je souffre. Est-ce que je vais mourir ? Je me rappelle… ce matin… j’étais à l’église… je l’ai vu passer avec une autre. Georges, Georges, tu m’as abandonnée !

Elle retomba sur son lit, accablée.

— Grâce ! Je te croyais coupable, et je me trompais. Je n’aime que toi.

Clotilde tressaillit : ce mot lui avait traversé le cœur comme un fer rougi. Elle se glissa derrière les assistants et sortit sans que personne la remarquât.

Quelques instants après, une femme de chambre entra, portant un carton à la main. Elle l’ouvrit, en tira un bouquet de fleurs d’oranger, une robe blanche, un voile, s’approcha du lit, et dit :

— D’après les ordres de mademoiselle Clotilde de Lautages, j’apporte à mademoiselle Marguerite les présents de noce qu’elle lui avait promis. Elle étala sur le lit la robe, le voile, posa le bouquet dessus, et se retira.

— Bonne, bonne Clotilde ! elle m’aimait bien, malgré tout, dit Marguerite.

Elle jouait avec le bouquet de fleurs d’oranger.

— Marguerite, elle a raison. Veux-tu être ma femme !