Aller au contenu

Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’ANNÉE DES COSAQUES.
PREMIÈRE PARTIE. — LA CHAMPAGNE.
2. — LE CONSEIL.

Le père Simon Grandpré était garde particulier des propriétés de madame la marquise de Lantages, et, à ce titre, une partie du bois de Macherais relevait de sa surveillance. Sur les bords d’un étang étroit, encombré de plantes marines, de nénuphars et de nymphéas, seule verdure qui reposàt l’œil dans la désolation de l’hiver, s’élevait une petite hutte couverte de chaume. Le père Simon l’avait construite de ses mains, pour y trouver un abri dans ses rondes quand il était surpris par la pluie, et aussi pour s’y mettre à l’affût des sarcelles, des canards sauvages, des pluviers et des poules d’eau qui fréquentaient les bords de l’étang. Une cloison faite de branches d’osier entrelacées fermait l’entrée de cette pauvre habitation. Marguerite, quittant le bras qui s’appuyaitdoucement sur elle, la souleva, et dit à voix basse : — Entrez, messieurs, et faites attention à vos pieds, il y a de l’eau ; à vos tètes, le toit est bien bas : ce n’est pas un palais, mais vous serez toujours mieux que là-bas dans la plaine.

La cabane avait à peu près six pieds carrés ; le vent sifflait à travers les branches disjointes, et un lit de feuilles sèches jonchait le sol. Le blessé entra, fut étendu sur ce lit par Marguerite et son domestique ; un serrement de main à tous deux fut son remerciment. La faiblesse succédait à la surexcitation causée par le mouvement de la marche.

Marguerite jeta un coup d’œil autour d’elle ; il n’y avait là que ce qu’on peut appeler par euphémisme les quatre murs. Le père Simon n’y avait point mis de coquetterie. Un chasseur seul, le doigt sur la détente, et rêvant de cerfs et de sangliers, pouvait s’abriter sous cette masure sans s’apercevoir que la bise et le froid y entraient par mille ouvertures.