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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/358

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CRITIQUE.

UN DERNIER MOT
SUR LA SÉANCE ANNUELLE DE L’INSTITUT.

Le 17 août dernier, les cinq Académies de France ont tenu leur séance annuelle, fête paisible d’ordinaire, où tout se dit à demi-mot, et où tout se passe à petit bruit. Il n’en a pas été ainsi pour cette fois. Une parole pleine et passionnée a retenti enfin sous les voûtes du palais Mazarin, trop peu accoutumées à l’entendre, et le public a prêté l’oreille : M. de Montalembert présidait l’assemblée.

Je ne sais si c’est ici le lieu de le dire, mais il me semble que l’Académie, dont M. de Montalembert est certes un des membres les plus imposants, va jouer, en l’année qui s’ouvre, une dangereuse partie. Peut-être y va-t-il pour elle ou de la popularité qu’elle méprise, ou d’un jugement sévère et sans retour que tout le pays voudra prononcer. Deux des quarante fauteuils sont vides : dans l’un, hier, c’était un homme de génie qui s’asseyait. Le chantre de la passion et de la jeunesse, en qui ses collègues n’avaient vu qu’un enfant prodigue, s’est éteint à quarante-six ans, le cœur brisé, heureux peut-être de n’avoir plus à vivre, et, peut-être, ne regrettant de toute sa vie que le triste jour où, devant l’Académie qui l’appelait malgré elle, il s’était oublié un moment jusqu’à renier ses dieux. Il est mort par un des premiers jours de ce printemps ; le soleil, qu’il avait tant aimé, souriait à son cercueil. Ce poëte qui n’est pas encore un souvenir, qui est à peine une ombre, par qui l’Académie le remplacera-t-elle ? Par un poëte comme lui, ce n’est pas égal à lui que j’ai voulu dire ? — Non, nous ne l’espérons pas. — Et cependant, un autre fauteuil est là, tout prêt à recevoir un de ces inconnus fameux que les immortels ont si souvent en réserve. — Qu’importe à la France qui tiendra la place de M. Briffaut ?