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Page:Le Présent, année 1, tome 1, numéros 1 à 11, juillet à septembre 1857.djvu/368

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SUR LES FLEURS DU MAL

À QUELQUES CENSEURS[1]


Ces bouquets effrayants de Charles Baudelaire
S’en iraient, déchirés au vent de la colère !…
Non, messieurs, non ! — le Réel est ici le sujet.
En brisant le miroir détruirait-on l’objet ?
Sa peinture, après tout, n’est pas l’apologie.
Le danger radical, c’est une sale orgie
Masquée en beau gala ; c’est l’onduleux serpent
Qui caresse et qui bave, et s’élève, en rampant ;
Le danger radical, c’est la page hypocrite,
Pensée avec le fiel, avec le musc écrite ;
C’est l’ongle venimeux qui sortira d’un gant ;
C’est l’ulcère, que couvre un satin élégant ;
C’est, au théâtre impur, une mielleuse enseigne.
Voilà ce dont tout cœur et se révolte et saigne,
S’il est encor trempé du sacre baptismal.
Mais le livre, qui grave à son front : Fleurs du Mal,
Ne dit-il pas d’abord tout ce qu’il porte au ventre ?
Aux couvents, aux salons son nom défend qu’il entre ;


  1. Tout en respectant un arrêt récent, qui d’ailleurs sur cent pièces n’en a éliminé que six et a proclamé les intentions louables de l’auteur des Fleurs du Mal, nous sommes heureux de publier ces vers d’un poëte universellement aimé et admiré.

    Ces vers datent du 13 août, le jugement rendu contre les Fleurs du Mal est du 20.

    (Note du Directeur.)